Les Archives de la Planète : entre visée encyclopédique et avant-garde
Résumé
Entre 1909 et 1931, dans le cadre des « Archives de la planète », Albert Kahn finance les déplacements d’une douzaine d'opérateurs afin d’enregistrer les réalités culturelles d’une cinquantaine de pays. Pour le banquier philanthrope qui s’adjoint les compétences du géographe Jean Brunhes, la connaissance des modes de vie étrangers est à même d’initier des relations plus pacifiques entre les peuples. Le cinématographe, l’autochrome et la photographie stéréoscopique sont mobilisés pour fixer ‒ avec le plus de réalisme possible ‒ la diversité des mœurs. L’entreprise, placée sous le signe de la démesure, est interrompue par la ruine du banquier, après 1929.
Même si les images des « Archives de la planète » ne circulent dans le monde de l’art, elles forment une œuvre ‒ qui se présente à bien des égards à l’avant-garde. Les voyages, le dépassement de l’ethnocentrisme sont au cœur d’une entreprise portée par un idéal de paix internationale. Pour le banquier, le globe et ses habitants constituent un ensemble dont la connaissance doit servir le meilleur gouvernement.
Le positionnement diachronique de l’entreprise s’avère complexe. Les « Archives de la planète » participent d’une volonté encyclopédique inspirée des Lumières, la personnalité de Jean Brunhes se faisant garante de sa scientificité. À rebours, l’entreprise d’Albert Kahn participe d’un enthousiasme pour les innovations technologiques qui permettent de voir le monde en relief, en couleur et en mouvement, rejoignant ainsi la fascination des avant-gardes artistiques. Il s’agit aussi pour le banquier de constituer une « archive » qu’il léguera aux générations futures. Albert Kahn est en effet persuadé que la globalisation entraînera la perte des spécificités culturelles : il pense faire œuvre pour l’avenir, se tenant à l’extrême pointe d’un présent en sursis.
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